dimanche 7 avril 2024

Deuxième dimanche de Pâques / année B

 

7/04/2024

Jean 20, 19-31

La double manifestation du Ressuscité à ses disciples, le soir de Pâques et huit jours plus tard, se fait alors que les portes sont verrouillées par peur des Juifs. La page évangélique de ce dimanche est riche de significations pour notre vie chrétienne. Je ne retiendrai que la salutation du Ressuscité : La paix soit avec vous ! Cette salutation pascale avait été annoncée par Jésus à la veille de sa Passion dans l’entretien-testament avec ses disciples : Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.

La paix du Christ est comme le remède donné pour nous guérir de nos peurs. L’inquiétude est littéralement parlant ce qui s’oppose à la paix du cœur. Remarquons que la liturgie de la messe fait prononcer ces paroles de paix à l’évêque qui reprend la salutation du Christ et au célébrant juste avant la communion. En saluant de cette manière ses disciples Jésus met en pratique lui-même la consigne missionnaire qu’il leur a laissée : Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : « Paix à cette maison ». S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.

La salutation pascale de la paix est clairement un acte d’évangélisation des disciples qui les invite à quitter la peur pour entrer dans la confiance, dans la foi, dans cette foi qui nous a fait vaincre le monde, c’est-à-dire ici tout ce qui s’oppose au règne de Dieu.

Le soir de Pâques le don de la paix du Christ est inséparable du don de l’Esprit Saint. La paix avec la joie est le fruit de l’Esprit Saint, le signe que nous nous laissons conduire par Lui. L’apôtre Paul fait de la paix un signe caractéristique du Royaume de Dieu : En effet, le royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint.

Et c’est bien de cette paix dont témoigne la première communauté des disciples de Jésus qui avait un seul cœur et une seule âme. Toujours dans sa lettre aux Romains Paul fait remarquer que l’Esprit tend vers la vie et la paix. D’où son exhortation à vivre de cette paix du Christ :

Recherchons donc ce qui contribue à la paix, et ce qui construit les relations mutuelles.

La paix, don du Ressuscité et don de l’Esprit se manifeste en même temps au plus intime de nous-mêmes, c’est la paix du cœur, et dans la vie du Corps du Christ, dans les relations mutuelles entre croyants, c’est la paix ecclésiale. Nous savons par l’histoire de l’Eglise et par notre expérience personnelle à quel point nous sommes incapables de recevoir en vérité ce grand don du Ressuscité comme Thomas est incapable dans un premier temps de croire en la résurrection de son Maître et Seigneur. Pourtant le don du Christ et de l’Esprit est toujours là, cherchant à prendre possession de notre être. La salutation pascale de Jésus nous demande de mettre en nos cœurs ce désir de la paix, de la rechercher toujours. Le grand moyen pour l’accueillir, en vivre, la répandre et en témoigner, c’est de nous abandonner dans la prière à l’action de l’Esprit Saint, c’est le désir de la communion avec le Christ dans la prière personnelle et les sacrements, en particulier dans la communion eucharistique. Pas de paix sans réconciliation, pas de paix sans pardon, le pardon de Dieu et le pardon que nous nous devons les uns aux autres lorsque nous nous offensons mutuellement. Oui, Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Toute la célébration eucharistique de son commencement à son terme est un incessant rappel de l’importance pour nous d’accueillir le don du Ressuscité. De la salutation d’ouverture (Que Dieu notre Père et Jésus Christ notre Seigneur vous donnent la grâce et la paix) à l’envoi (Allez, dans la paix du Christ) en passant par la supplication de l’Agnus Dei (Donne-nous la paix).

 

dimanche 31 mars 2024

PAQUES 2024

 

Pâques 2024

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. (Marc 16, 1-8)

La solennité de Pâques, célébration de la résurrection du Seigneur, inaugure le temps pascal. Elle ne doit donc pas être séparée des autres mystères que sont l’Ascension du Seigneur et la Pentecôte. Ce n’est que dans la lumière de l’Esprit de Pentecôte que la première génération de chrétiens a pu confesser le Christ ressuscité. Le temps pascal représente en quelque sorte le temps qui a été nécessaire entre Pâques et la Pentecôte pour que les disciples passent de la peur et du doute à la foi. En cette année B au cours de laquelle la liturgie nous fait lire et écouter l’Evangile selon saint Marc, nous venons d’entendre (nous avons entendu lors de la vigile pascale) les premiers versets du chapitre 16, versets très étonnants si nous les méditons avec attention. Ces versets de Pâques témoignent en effet de la grande difficulté avec laquelle les premiers disciples ont accepté la réalité bouleversante de la résurrection du crucifié. C’est la conclusion que Jean donne à l’Evangile du jour de Pâques : Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. Les premiers disciples n’étaient donc pas des illuminés qui s’échauffaient l’esprit avec l’idée de la résurrection mais au contraire des femmes et des hommes abasourdis par le choc et la déception que fut pour eux la mort de leur Maître et Seigneur en croix. D’ailleurs la plupart des hommes avaient abandonné Jésus, seules quelques femmes lui étaient restés héroïquement fidèles jusqu’au bout. Ce sont ces mêmes femmes, avec Marie Madeleine comme témoin privilégié, que nous retrouvons au matin de Pâques. Selon Marc et Luc elles viennent au tombeau pour embaumer le corps de Jésus. Autant dire que le matin de Pâques fut pour ces femmes l’occasion d’un pèlerinage funéraire et non pas l’expression de leur désir joyeux de rencontrer Jésus vivant. L’Evangile de Marc nous montre au contraire que la découverte du tombeau ouvert et vide les laisse dans la peur, toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Ces femmes aimaient Jésus d’un amour fidèle et fort sans que cet amour ne leur permette à l’aube de Pâques de faire l’expérience de la joie de la résurrection. Il leur faudra du temps, beaucoup de temps, et surtout le don de l’Esprit Saint, pour qu’elles puissent aimer Jésus non pas comme un défunt regretté mais comme le Vivant, celui qui a vaincu la mort à jamais par la puissance du salut divin. Le message pascal adressé aux femmes dans l’Evangile selon saint Marc est d’une grande et belle simplicité : Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Ce n’est pas parmi les tombes que l’on peut rencontrer Jésus, il n’est pas dans les cimetières, il est ailleurs. Et voilà que ces femmes remplies de peur sont chargées du message pascal à l’intention des hommes, en particulier de Pierre, donc de ceux qui ont renié ou abandonné le Christ dans le temps de sa Passion : Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit. Message à nouveau extrêmement simple et sobre. Le Ressuscité a toujours de l’avance sur ses disciples paralysés par la peur et le doute : il les précède dans le lieu de leur premier appel, dans le lieu de leur compagnonnage avec le Christ d’avant Pâques. La résurrection n’efface pas l’incarnation : Marc dans son Evangile pascal parle bien de Jésus de Nazareth et de la Galilée. L’expérience fondatrice des femmes et des apôtres nous permet de comprendre que nous avons nous aussi besoin de temps pour entrer pleinement dans le mystère de la résurrection. Nous le faisons sous la conduite de l’Esprit de Jésus et par la grâce des sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation et eucharistie. La joie et la paix, fruits de la résurrection du Seigneur, fruits qui nous libèrent de la peur et nous font entrer dans la confiance, nous les recevons dans la mesure où nous ne cherchons pas le Christ là où il n’est pas mais bien là où il nous précède et nous attend. La Galilée des premiers disciples représente pour chacun d’entre nous son chemin de foi avec le Christ. La nouveauté extraordinaire et bouleversante de la résurrection et de la vie nouvelle qu’elle nous offre ne fait pas table rase de notre histoire personnelle et unique, bien au contraire. En cette fête de Pâques faisons mémoire avec gratitude du don de la foi, du premier appel que nous avons entendu au plus intime de nous-mêmes pour pouvoir avancer dans la communion avec le Vivant. La résurrection nous permet en effet de vivre cette communion avec le Christ dans les sacrements, la prière, mais aussi dans notre désir de vivre du commandement de l’amour qu’il nous a laissé comme promesse de bonheur dès ici-bas et gage de la vie éternelle. Gardons dans notre cœur tout au long de ce temps pascal l’enseignement si lumineux de saint Jean :

Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort.

 

vendredi 29 mars 2024

VENDREDI SAINT 2024


Méditation pour le vendredi saint 2024

L’évangéliste Jean nous dépeint la Passion du Seigneur comme un drame d’une rare intensité. En particulier la confrontation entre Pilate et les chefs des prêtres met en lumière l’obscurcissement des consciences de la part de ceux qui veulent obtenir à tout prix la mort de Jésus, homme juste et innocent. La Passion est le moment où s’accomplit la prophétie de Syméon : Ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. Comment ne pas penser aussi à ce que Jésus dit à l’aveugle de naissance après lui avoir rendu la vue ? Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. Au moment même où Jésus semble jugé par les autorités religieuses et civiles, c’est lui qui, en fait, opère un jugement en révélant au grand jour les secrets des cœurs et des consciences. Cela avait été aussi annoncé par le commentaire que Jean donne en conclusion de l’épisode des marchands chassés du temple : Jésus n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme. Jésus dans sa Passion est par sa seule présence un révélateur de ce qu’il y a dans le cœur de l’homme. Pilate, le païen, proclame à trois reprises l’innocence du Christ : Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Le même Pilate fait à la foule une double présentation solennelle de l’homme qu’on lui dénonce comme méritant le supplice de la croix : Voici l’homme / Voici votre roi. Cette double présentation aux accents prophétiques a pour conséquence de mettre encore davantage en lumière la violence des autorités religieuses juives et de la foule manipulée par les grands prêtres : A mort ! A mort ! Crucifie-le ! Cette violence assoiffée de sang et de mise à mort s’accompagne de l’hypocrisie du mensonge : Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur. Jésus, dans sa Passion, est ainsi le grand révélateur de la violence homicide qui habite le cœur de l’homme depuis le péché des origines. L’histoire des guerres humaines nous montre malheureusement une constante : rares sont les artisans de paix. La majorité se laisse toujours entraîner par ceux qui ont intérêt à faire la guerre. Et les artisans de paix sont ridiculisés et persécutés par la masse de ceux qui sont aveuglés par l’instinct de violence. Dans sa Passion le Seigneur est véritablement l’homme des Béatitudes, celui qui oppose une résistance ferme et non-violente aux instincts de mort et au péché. Il est véritablement l’Agneau de Dieu qui porte et enlève le péché du monde. Douceur et innocence de l’agneau que l’on mène à l’abattoir. Je conclurai cette méditation en citant Denis Moreau, professeur de philosophie, qui, dans son livre Mort, où est ta victoire ?, propose une réflexion suggestive sur le moment de la Passion : Le salut ne s’obtient pas dans la facilité et par les moyens (le pouvoir, la richesse, les honneurs, le succès, la célébrité, la reconnaissance des autorités et des puissants, les manifestations de force, la volonté de dominer les événements et les autres hommes) à l’accoutumée promus dans le monde, ni par la violence, le désir de punir ou de se venger. La passion manifeste la difficulté du chemin qui conduit au salut, le caractère parfois douloureux et sacrificiel du combat – c’est-à-dire, étymologiquement, de la composante agonique avant d’être victorieuse- engagé contre le mal et ce qui y porte, en moi ou dans le monde, contre la dimension oppressive et violente des pouvoirs politiques et religieux. Elle exprime à sa façon le lien entre le péché et la mort, qui n’aurait pas été à ce point patent si le juste qui fut supplicié était mort de maladie, de vieillesse ou accidentellement. Elle dit le scandale du triomphe des méchants et de l’injustice. Elle indique que le salut chrétien non seulement ne s’acquiert pas par les puissances habituellement célébrées, mais aussi passe par l’acceptation de la faiblesse, le partage de la condition des petites gens et des simples, en somme par une certaine forme de renoncement aux grandeurs du monde et d’anéantissement… La passion manifeste aussi que Jésus a pleinement partagé la condition humaine, y compris dans ses dimensions essentielles et tragiques que sont la douleur et la mort de soi.


 

JEUDI SAINT 2024

 


Méditation pour le jeudi saint 2024

En ce jeudi saint nous faisons mémoire de l’institution du sacrement de l’eucharistie par Jésus la veille de sa mort. Ce sacrement a une place et une importance unique parmi les sept sacrements de l’Eglise catholique, c’est la raison pour laquelle on l’appelle le saint sacrement. Cela explique aussi pourquoi c’est le seul sacrement auquel l’Eglise a consacré une fête, celle du saint sacrement du corps et du sang du Christ que nous célébrerons cette année le 2 juin. L’introduction que saint Jean donne au geste du lavement des pieds nous dit ce qui constitue le cœur de l’eucharistie :

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

C’est en effet dans l’eucharistie et particulièrement dans son sommet, la communion, que nous est manifesté l’amour extrême de Jésus pour chacun d’entre nous. L’amour qu’il soit humain ou divin recherche toujours la communion. L’eucharistie nous rappelle que c’est Dieu qui, le premier, nous a aimé en nous donnant son Fils. L’amour est inventif et cherche toujours des voies nouvelles pour se communiquer et trouver son accomplissement. Lors de la dernière Cène le Seigneur Jésus institue ce sacrement nouveau par une invention de son amour infini. Et il le fait avec une délicatesse tout aussi infinie, une délicatesse d’amour qui respecte notre liberté. Il choisit les éléments végétaux du pain et du vin pour se cacher sous de humbles apparences et se donner ainsi totalement à nous. Comme tous les sacrements l’eucharistie est le sacrement de la foi : oui, il est grand le mystère de la foi ! Dans le temps de l’Eglise après la Pentecôte nous vivons de la foi et par la foi. Nous vivons en même temps l’absence et la présence du Ressuscité. Depuis l’Ascension Jésus n’est plus présent physiquement parmi nous. Il est comme le Père et l’Esprit invisible. Pour que cette absence ne soit pas perçue comme un éloignement ou une indifférence, pour cette absence ne crée pas une distance infranchissable entre Dieu et l’homme, Jésus a voulu en quelque sorte se prolonger dans son Corps qui est l’Eglise. Il a aussi voulu perpétuer à jamais sa présence de Ressuscité dans l’Eglise par le don de l’eucharistie, eucharistie qui prolonge sacramentellement, au-delà de l’Ascension, l’incarnation du Fils bien-aimé. Le mouvement de l’eucharistie est celui de l’action de grâce pour cet amour prévenant du Seigneur à notre égard. Le troisième dialogue qui introduit la préface, avant le sanctus, est une invitation à rendre grâce à Dieu par, avec et dans le Christ qui s’offre en sacrifice pour notre salut : Rendons grâce au Seigneur notre Dieu. La célébration de l’eucharistie est une école spirituelle pour apprendre ou réapprendre la vertu de gratitude envers Dieu. En reconnaissant le Christ présent sous les humbles apparences du pain et du vin, nous sommes entraînés à la reconnaissance pour tous les bienfaits de Dieu : notre existence et notre vie, la grâce de la foi et de la vocation, le don de l’amour de Dieu dans les sacrements. L’ingratitude envers Dieu et envers les hommes est un péché que nous ne devons pas sous-estimer. C’est même un péché grave qui nous coupe de la joie et de la paix de Dieu. L’eucharistie bien comprise et célébrée avec ferveur et foi est une école de gratitude extraordinaire. Dans l’eucharistie nous ne demandons rien, nous recevons tout puisque nous recevons Dieu lui-même en son Fils, et nous répondons à cet immense don par notre présence à la présence divine. C’est dire que l’eucharistie en plus d’être une école de gratitude est toujours une école de prière. L’eucharistie nous apprend que dans la prière il ne s’agit pas d’abord de demander des choses, mais de se rendre disponibles et ouverts au don de Dieu. La prière n’est-ce pas se rendre présents à la présence cachée et silencieuse de Dieu ? L’eucharistie nous redit l’importance du « merci » à côté de la demande. Demande qui trouve sa perfection dans la simple prière : Que ta volonté soit faite ! Célébrer l’eucharistie en mémoire du Seigneur suppose une vie de prière chez ceux qui participent à la messe. La prière personnelle et la prière communautaire se fortifient mutuellement. Pour vivre profondément de l’eucharistie nous avons besoin de prier dans le secret de notre chambre comme nous y invite Jésus. Oui, heureux sommes-nous d’être invités au repas des noces de l’Agneau ! Que Jésus dans sa bonté nous préserve de participer de manière indifférente ou distraite à la messe, qu’il nous préserve de faire de la communion eucharistique un geste banal et routinier ! Qu’il mette toujours en nous le feu de l’Esprit Saint pour que nous sachions recevoir le grand don de sa personne avec foi et ferveur, comme si chaque communion était unique, comme si elle était la première et la dernière de notre vie !


dimanche 17 mars 2024

Cinquième dimanche de Carême / année B

 


17/03/2024

Jean 12, 20-33

L’Evangile de ce dimanche de Carême nous introduit déjà dans le mystère de la Passion du Seigneur avec la mention de l’agonie de Jésus :

Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !

Dans sa première lettre aux Corinthiens l’apôtre Paul situe ce mystère de la Passion dans son contexte historique :

Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes.

La Passion et la mort en croix du Fils de Dieu demeurent aujourd’hui quelque chose d’incompréhensible qui choque notre raison humaine et notre vision de la divinité. Aujourd’hui encore il est difficile pour nous chrétiens d’accepter cette logique du grain de blé tombé en terre qui doit mourir pour donner la vie. Aujourd’hui encore certains chrétiens sont attirés par les signes miraculeux, les séances de « guérisons » et d’ « exorcismes », les apparitions et les révélations de toutes sortes, oubliant qu’il n’y a pas d’autre signe que le signe de Jonas, c’est-à-dire le signe de la Passion, de la mort et de la résurrection de Jésus. Dans une société où la foi religieuse est en net recul, on constate aussi une aspiration à donner du sens à l’existence humaine par la recherche de la sagesse à la manière des Grecs de saint Paul. Il n’y a qu’à voir dans les librairies le nombre de parutions consacrées aux grandes sagesses de l’antiquité et à des philosophes comme Spinoza. C’est ce que Luc Ferry et André Comte-Sponville appellent une spiritualité sans Dieu, une spiritualité laïque. Tel est le terrain concret dans lequel le grain de blé de l’Evangile tombe en terre de nos jours. Le scandale et la folie du mystère chrétien nous conduisent à comprendre la différence essentielle entre sagesse humaine et foi dans le Christ. La foi ne supprime pas la raison ni la sagesse mais elle est d’un autre ordre. C’est ce que semblent comprendre les Grecs de notre Evangile. Ils ne sont pas Juifs mais ils estiment la religion des Juifs et reconnaissent le Dieu unique. Ces Grecs qui ont donné au monde le trésor de la sagesse antique, ces Grecs initiateurs de la philosophie et qui portent donc en eux le désir d’une vie selon la sagesse, ces Grecs demandent à voir Jésus. Dans l’antiquité les maîtres de sagesse étaient fort nombreux comme Socrate, Platon, Aristote, Epicure etc. Ils avaient leurs disciples comme Jésus avait les siens. Les Grecs de notre Evangile perçoivent quelque chose d’unique et de nouveau dans la personne de Jésus. Ils ne veulent pas apprendre seulement de belles doctrines sur la vie bonne, ils veulent rencontrer une personne qu’ils saisissent comme envoyée par Dieu, comme divine. Notre foi n’est pas d’abord un ensemble de doctrines religieuses, elle est désir, rencontre et communion avec le Christ. La démarche de ces Grecs nous fait penser à l’affirmation du magnifique prologue de l’Evangile selon saint Jean :

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu.

Le mot « Verbe » traduit ici le mot grec Logos qui signifie à la fois la raison et la parole. La sagesse que les Grecs recherchent tant, c’est une personne, c’est Jésus, le Verbe incarné. Dans le mystère de l’incarnation la Sagesse de Dieu se fait folie dans l’abaissement extrême du mystère de la Passion. En Jésus la folie de l’amour et la sagesse de Dieu sont unies. La démarche des Grecs commence le long cheminement de l’Evangile universel dans le cœur des hommes :

Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. 


samedi 9 mars 2024

Quatrième dimanche de Carême / année B

 

10/03/2024

Jean 3, 14-21

En ce dimanche l’Evangile nous fait entendre l’enseignement que Jésus donne à Nicodème. Le cœur de cet enseignement concerne notre salut et la promesse de la vie éternelle. C’est grâce à l’amour du Père manifesté en son Fils que ce salut nous est donné. Ce salut passe par le mystère de la croix annoncé par les paroles de Jésus : il faut que le Fils de l’homme soit élevé. Ce qui nous frappe lorsque nous méditons cet Evangile, c’est l’insistance de Jésus sur la foi. Il en parle en effet à cinq reprises dans son enseignement. Et la foi est liée à la promesse de la vie éternelle. C’est dire que le salut offert par Dieu passe aussi par notre réponse libre, notre réponse de foi. Et que cette réponse est essentielle pour nous permettre d’entrer dans le salut de Pâques. Paul dit exactement la même chose dans la deuxième lecture :

C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi.

Notre foi n’est pas séparable des œuvres de l’amour, du fruit de l’Esprit à l’œuvre dans nos vies. C’est la raison pour laquelle Jésus dit à Nicodème celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. La vérité sur Dieu, sur le Christ, sur l’homme, sur notre salut n’est pas d’abord une affaire de connaissance théorique. Jésus parle en effet de faire la vérité. Notre connaissance de Dieu passe toujours par une foi pratique, une foi concrète, celle dont parle l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates : seule vaut la foi qui agit grâce à l’amour. C’est donc en accomplissant la volonté de Dieu que nous entrons peu à peu dans son mystère. Cela fait écho à la fin de la deuxième lecture :

C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.

C’est cela que le prêtre suisse Maurice Zundel exprimait en disant Je ne crois pas en Dieu, je le vis. Non pas pour nier l’importance de la foi mais pour insister sur le fait qu’elle est d’abord et toujours une expérience personnelle de Dieu qui nous permet de faire la vérité, c’est-à-dire de nous dévouer au bien en imitant la générosité du Seigneur Jésus.

dimanche 3 mars 2024

Troisième dimanche de Carême / année B

 

3/03/2024

Jean 2, 13-25

Alors que Matthieu et Marc situent la purification du temple à la fin du ministère de Jésus, Jean en fait un geste inaugural, au commencement de sa mission. L’Evangile de ce dimanche de carême nous rapporte tout d’abord le geste de Jésus puis la polémique qui s’en suit avec certains Juifs, témoins de la scène.

Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs.

Les marchands d’animaux et les changeurs étaient nécessaires pour le bon fonctionnement du culte fondé sur les sacrifices d’animaux, particulièrement nombreux à être sacrifiés pour la grande fête de la Pâque. Jésus ne veut pas de leur présence dans l’enceinte du temple. Imaginons un instant le Seigneur dans les sanctuaires de Lourdes s’attaquant au commerce des cierges et nous comprendrons aisément que son geste était insupportable au regard du commerce lucratif qui s’exerçait dans le temple. Par son geste le Seigneur ruine en effet l’économie du temple. La motivation qu’il lui donne provient d’une citation approximative du prophète Zacharie : Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. Voici le verset par lequel le livre de Zacharie s’achève : Il n’y aura plus de marchand dans la Maison du Seigneur de l’univers, en ce jour-là. Chez Matthieu et Marc Jésus cite Jérémie au lieu de citer Zacharie : Ma maison sera appelée maison de prière. Or vous, vous en faites une caverne de bandits. Et voici la citation exacte de Jérémie : Est-elle à vos yeux une caverne de bandits, cette Maison sur laquelle mon nom est invoqué ? Pour moi, c’est ainsi que je la vois – oracle du Seigneur. Le geste de Jésus est donc clairement prophétique. Il rappelle la vocation du temple à être une maison exclusivement consacrée à la prière dans laquelle le commerce n’a pas sa place. Mais la portée prophétique de ce geste va bien au-delà de l’exclusion hors du temple des marchands d’animaux en vue des sacrifices. Elle annonce la fin du culte ancien, l’abolition des sacrifices d’animaux. C’est dans la deuxième partie du récit, la polémique avec les Juifs, que le culte nouveau est clairement annoncé : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai… lui parlait du sanctuaire de son corps. Le geste prophétique de Jésus ne consiste donc pas seulement à purifier le temple, à lui rendre sa vocation de maison de prière. Ce geste annonce la fin du temple lui-même, la substitution du temple de pierre par le temple de chair qui est le corps du Christ lui-même. Si le temple de Jérusalem détruit par les Romains en 70 n’a jamais été reconstruit, le corps du Christ mort en croix a vaincu la mort par la résurrection le jour de Pâques. Matthieu, Marc et Luc notent qu’après la mort de Jésus le voile du sanctuaire se déchira en deux de haut en bas, signifiant ainsi la fin du culte ancien. Le saint des saints ce n’est plus désormais la partie la plus sacrée du temple, c’est le corps de Jésus dans lequel habite la plénitude de la divinité pour reprendre une expression de saint Paul (Col 2,9). Paul applique dans ses lettres aux Corinthiens cette vérité aux chrétiens eux-mêmes, membres du corps du Christ : Le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous… Nous, en effet, nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit lui-même : J’habiterai et je marcherai parmi eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple.

L’Evangile de ce dimanche nous appelle à respecter nos églises, en tant que lieux de prière et de célébration des sacrements. C’est par le comportement de chacun que nous pouvons créer dans nos églises une atmosphère propice au recueillement et à l’accueil de Dieu qui se donne. L’Evangile de ce dimanche nous appelle surtout à prendre une conscience renouvelée que nous sommes les temples du Dieu vivant. Il s’agit bien de notre part d’un acte de foi car cette inhabitation divine n’est pas la plupart du temps perceptible de manière sensible. En ce temps de carême, quels sont les marchands que nous devons chasser du sanctuaire de notre cœur, là où habite le Dieu trois fois saint ? Comment nous préparons-nous avant la messe à recevoir le don du corps du Christ ? Arrivons-nous à l’avance au rendez-vous du repas du Seigneur afin de bien nous préparer à cette rencontre du dimanche ?