mercredi 11 novembre 2015

Cérémonie de Requiem - 11 novembre 2015



La doctrine sociale de l’Eglise est au service de la justice et de la paix. En cette année 2015, le pape François a eu l’occasion de rappeler et d’approfondir à de nombreuses occasions les principes de cet enseignement en les appliquant aux situations concrètes qui sont les nôtres aujourd’hui. Pour notre temps de méditation et de prière de ce 11 novembre, je me référerai principalement au long discours que le pape François a adressé aux participants de la rencontre mondiale des mouvements populaires à Santa Cruz, le 9 juillet, en présence d’Evo Morales, président de la Bolivie. Le pape a souligné avec force la nécessité d’un changement de structures et a donné trois orientations : 1°/ Mettre l’économie au service des peuples ; 2°/ Unir nos peuples sur le chemin de la paix et de la justice ; 3°/ Défendre la Mère Terre (l’écologie). La paix, la justice et la démocratie vont ensemble. Or, affirme le pape, le système économique actuel peut être décrit comme une dictature subtile :

Derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, se sent l’odeur de ce que saint Basile de Césarée appelait « le fumier du diable » ; l’ambition sans retenue de l’argent qui commande. Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan. Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune.

A propos du scandale du commerce des armes, le pape s’est exprimé clairement à de nombreuses reprises. Écoutons ce qu’il a dit dans son discours au Congrès des Etats-Unis d’Amérique le 24 septembre :

Etre au service du dialogue et de la paix signifie aussi être vraiment déterminé à réduire et, sur le long terme, à mettre fin aux nombreux conflits armés dans le monde. Ici, nous devons nous demander : pourquoi des armes meurtrières sont-elles vendues à ceux qui planifient d’infliger des souffrances inqualifiables à des individus et à des sociétés ? Malheureusement, la réponse, comme nous le savons, est simple : pour de l’argent ; l’argent qui est trempé dans du sang, souvent du sang innocent. Face à ce honteux et coupable silence, il est de notre devoir d’affronter le problème et de mettre fin au commerce des armes.

La diplomatie de la France a été traditionnellement au service de la défense et de la promotion des droits de l’homme, sans lesquels aucune paix véritable ne peut s’établir. Il est regrettable de constater que l’argent l’a emporté sur les beaux idéaux. Comment les protestations de la France contre les violations des droits de l’homme peuvent-elles encore être entendues lorsqu’elle commerce, en particulier par la vente d’armes, avec un pays dans lequel les mêmes droits de l’homme sont violés de manière grave et quotidienne, l’Arabie Saoudite ? Il est triste de voir à quel point nos dirigeants se sont transformés en de vulgaires représentants de commerce.

Dans son discours de Santa Cruz, le pape François dénonce un nouveau colonialisme qui menace la coexistence pacifique des peuples en niant la souveraineté des nations et leur indépendance :

Les peuples du monde veulent être artisans de leur propre destin. Ils veulent conduire dans la paix leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de tutelles ni d’ingérence où le plus fort subordonne le plus faible. Ils veulent que leur culture, leur langue, leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses soient respectés. Aucun pouvoir de fait ou constitué n'a le droit de priver les pays pauvres du plein exercice de leur souveraineté et, quand on le fait, nous voyons de nouvelles formes de colonialisme qui affectent sérieusement les possibilités de paix et de justice parce que « La paix se fonde non seulement sur le respect des droits de l’homme, mais aussi sur les droits des peuples particulièrement le droit à l'indépendance ».

Pour le pape, ce nouveau colonialisme adopte des visages différents : le pouvoir anonyme de l’idole argent qui se manifeste en particulier par les traités dits de libre échange, les monopoles médiatiques, et enfin sous la noble apparence de la lutte contre la corruption, contre le trafic de stupéfiants ou le terrorisme (…), nous voyons que l’on impose aux États des mesures qui ont peu à voir avec la résolution de ces questions et bien des fois aggravent les choses. La paix ne peut se construire que si l’on unit le respect de la souveraineté nationale à la coopération internationale : Interaction n’est pas synonyme d’imposition, ce n’est pas une subordination des uns en fonction des intérêts des autres. Le plein exercice de la souveraineté des peuples est inséparable de la démocratie authentique. Ce ne sont pas seulement les peuples des pays pauvres qui sont privés de leur indépendance, mais aussi les peuples d’Europe en raison d’une conception dogmatique, technocratique et opaque du fonctionnement de la communauté européenne. Les décisions prises reflètent davantage la volonté des lobbies économiques et financiers, donc des intérêts privés, que les aspirations des peuples. Ce fonctionnement anti-démocratique est une menace pour la paix et l’entente entre les peuples européens. Ce qui s’est passé en Grèce récemment le démontre. Et l’Italie a déjà eu son gouvernement « technique » dirigé par un banquier eurocrate, euphémisme pour signaler une entorse de plus à la démocratie…

A Santa Cruz, le pape a enfin redit sa confiance aux mouvements populaires comme porteurs d’espérance et artisans de paix :

Pour finir, je voudrais vous dire de nouveau : l’avenir de l’humanité n’est pas uniquement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des élites. Il est fondamentalement dans les mains des peuples ; dans leur capacité à s’organiser et aussi dans vos mains qui arrosent avec humilité et conviction ce processus de changement.



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